Retour sur la Journée du sommeil 2019

Contenu publié le : 18 avril 2019

Le 22 mars 2019 dernier, le Réseau Morphée proposait une conférence dans le cadre de la Journée du Sommeil, qui avait pour thème cette année “Impact des modes de vie sur notre sommeil”.

Au sein de la Cité de la Santé, à la Villette, devant une centaine de personnes intéressées par les problématiques autour du sommeil, différents acteurs spécialisés dans l’environnement de nos nuits sont intervenus, ces interventions étaient animées par le Dr Agnès Brion, Vice-Présidente du Réseau Morphée.

Monsieur Loison, président de France Insomnie, a ouvert les interventions sur un ton humoristique abordant sa vie d’insomnie depuis l’enfance « Un autre regard sur l’insomnie ou quand ne pas dormir allonge le temps ». Sur un ton pince-sans-rire, cet éternel insomniaque a raconté ses nuits d’enfant ne dormant pas et du désarroi de ses parents devant leur fils, cible de rhumes à répétition et contraint à prendre un traitement par hormone de croissance pour tenter de compenser cette hormone synthétisée pendant le sommeil. Puis la vie d’adulte, fatigué, de réveils difficiles en réunions de travail somnolentes ; et l’engrenage de tests de la kyrielle de solutions proposées : les tisanes, la méditation, la sophrologie, les somnifères, la relaxation jusque … au jus de griotte, qui a connu sa petite popularité ponctuelle grâce à sa teneur supposée en mélatonine.

Mais cet éternel optimiste préfère amadouer l’insomnie et profiter de tout ce temps supplémentaire, pendant que tous dorment, pour mener à bien ses projets créatifs. Après l’avoir si longtemps combattue, et si l’insomnie était devenue son amie ? Mais une amie qu’on aimerait voir nous quitter un jour…

C’est sur ce récit de tranche de vie non dénué de bonne humeur que Mme Valérie Rozec, du Centre d’Information sur le Bruit (CidB) a pris la parole. Le CidB est un centre de ressources référent pour le grand public et pour l’ensemble des acteurs concernés par la qualité de l’environnement sonore. Cette association à but non lucratif, créée en 1978 et reconnue d’utilité publique depuis 2007, met en œuvre différents types d’actions pour faciliter la prise en compte du bruit et de ses effets sur l’Homme dans son environnement, à son domicile, au travail, à l’école, pendant ses loisirs…

Madame Rozec a expliqué au public les caractéristiques du son (propagation, indicateur d‘exposition et perception sonore). La gêne de nos contemporains face aux nuisances sonores n’est pas un phénomène de mode car le son est un véritable problème de société qui s’accroît au fil des années. Le sommeil peut en être très affecté avec de réelles répercussions sur la santé. De plus nous ne sommes pas tous égaux face au bruit !

Il est prouvé que, les personnes se plaignant ou non du bruit, la qualité du sommeil est en tout état de cause dégradée, et que la dose de bruit reçue durant la journée influe sur la qualité du sommeil nocturne. De plus, il n’existe pas d’habituation physiologique aux bruits répétitifs pendant la nuit.

De nouveaux comportements sont observés : le CidB a réalisé une étude en 2019 révélant que 26% des enfants à l’école primaire s’endorment le soir en écoutant la musique sur leur MP3. Ils sont 16% à le faire tous les jours et 24% plusieurs fois par semaine (N=626 élèves). Ces pratiques ont tendance à augmenter avec l’âge : 57% à l’âge de 8 ans, 74% à l’âge de 9 ans et 81% à 10 ans.     

En outre, les élèves gênés par le bruit à leur domicile sont plus nombreux à utiliser leur MP3 que les enfants qui ne sont pas gênés (effet de bulle sonore).

Dans une précédente étude du CidB (2017), il était déjà révélé que 23% des collégiens s’endorment tous les jours en écoutant la musique sur un support numérique avec casque ou oreillettes (N=321 élèves) ; les lycéens sont 30% à le faire (Étude CIDB, Bruitparif, 2009) N=2056.

Ainsi, l’écoute nocturne de la musique avec écouteurs ne semble pas marginale d’où la nécessité de développer des campagnes de prévention sur les risques auditifs et les conséquences sur le sommeil de cette exposition permanente aux bruits (l’oreille n’a pas de paupière !). Le bruit nuit de jour comme de nuit !

C’est ensuite l’Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturnes, représentée par M. Guillaume QUEMARD qui a pu exposer à l’assemblée la situation sur la pollution lumineuse.

L’ANPCEN est une association à but non lucratif reconnue d’intérêt général qui œuvre depuis 20 ans à préserver la qualité de la nuit et de l’environnement nocturne.

Monsieur Quémard, après une rapide présentation de l’ANPCEN, a expliqué à l’auditoire que la lumière artificielle et ses fonctions ne cessent de se multiplier, en effet + 89 % de points lumineux de 1992 à 2012 et + 94 % de lumière émise avec une évolution des durées d’éclairement : d’environ 2400 à 3500 heures (de 1992 à 2005) – serait passé à 3300 heures en moyenne (en 2012).

Cet éclairage n’est pas sans conséquences sur nos fonctions et ont des impacts notamment sur le sommeil et la santé. L’ensemble de la vie s’est organisée sous l’influence de l’alternance du jour et de la nuit, la lumière étant le plus puissant des synchronisateurs de l’horloge biologique, une exposition inappropriée à la lumière (insuffisance d’exposition diurne et/ou exposition nocturne) peut modifier l’organisation temporelle de l’ensemble des phénomènes physiologiques, contribuant à une désynchronisation interne. Cela peut contribuer à une altération de la santé physique et/ou mentale de l’Homme et de façon plus générale à des perturbations rythmiques chez les êtres vivants. L’Homme est programmé pour être actif le jour et se reposer la nuit or l’éclairage nocturne a profondément modifié ses comportements, le travail et la vie sociale…

La sécrétion de mélatonine est bloquée par la lumière du jour et peut être perturbée par l’exposition à une lumière artificielle, aussi faible que quelques lux, chez les travailleurs nocturnes par exemple, ou même lors d’une exposition à la lumière des écrans informatiques ou encore due à des lumières intrusives dans une habitation.

 

Suite à ces deux interventions, riches d’enseignements sur les fonctionnements et les nuisances que le bruit et la lumière peuvent occasionner à notre santé, le Dr Sarah Hartley, médecin coordinateur du Réseau Morphée, a pu expliquer plus en amont comment ces nuisances deviennent de plus en plus intrusives dans notre environnement et notre sommeil, mais aussi proposer des solutions afin de s’en préserver.

Comme vu précédemment, entrer dans le sommeil ne veut pas dire qu’on se coupe du monde. Le cerveau continue à entendre des bruits, à percevoir de la lumière.

Nous sommes inégaux face à ces perturbations ; on ne perçoit pas la lumière de la même façon en fonction de l’âge, l’état de la cornée et de la rétine, plus on y est exposé dans la journée et plus la rétine est résistante à la lumière dans la soirée.

La lumière conditionne les rythmes circadiens ; une lumière intense stimule les systèmes d’éveil et retarde l’endormissement

  • La qualité du sommeil est réduite par une lumière intense la nuit
  • La lumière agit aussi sur l’horloge biologique
  • La lumière bleue est 10 fois plus active que la lumière blanche
  • Les écrans sont riches en lumière bleue

Outre l’effet de la lumière sur la sécrétion de mélatonine, une exposition à la lumière la nuit peut avoir de nombreux effets sur la santé humaine (cancer, risque cardiovasculaire, symptômes dépressifs, diminution de la vigilance diurne).

Tout comme pour la lumière, la perception d’un bruit dépend non seulement de son intensité mais aussi de son spectre : les tons graves sont moins bien perçus que les tons aigus. Certains bruits sont perçus comme des nuisances : par exemple la télévisions du voisin, tandis que d’autres de la même intensité, par exemple le petit bruit d’une rivière en montagne est perçu comme apaisant. Le bruit est donc interprété par notre cerveau et son effet dépend de sa réaction.

Des recherches ont démontré que le bruit peut impacter la qualité du sommeil à partir de 30 dB : des micro-éveils et des changements de stade de sommeil sont enregistrés et, à compter de 55 dB, une augmentation des maladies cardiovasculaires est observée. L’OMS recommande de dormir dans une chambre à coucher de moins de 30 dB pour les sons en continue et 45 dB pour les bruits ponctuels.

Afin de limiter les conséquences de la lumière et du bruit pendant le sommeil, quelques mesures peuvent être appliquées :

  • Lumière
    • Pas d’écran 1h avant le coucher et dans le lit
    • Suppression de la lumière dans la chambre : volets, rideaux occultant, masques, chasse aux diodes lumineuses
    • Diminution de la pollution lumineuse dans les villes
  • Son
    • Pas de téléphone portable dans la chambre autre qu’en mode avion
    • Éviter de s’endormir avec un bruit de fond
    • Mettre des bouchons d’oreille (bruits de voisinage, ronfleurs, …)
    • Construction de bâtiments ayant une bonne isolation phonique
    • Diminution de la pollution sonore la nuit

Pour conclure cette journée, le Dr Sylvie Royant-Parola a présenté les résultats de l’enquête INSV/MGEN 20019 sur le sommeil des français qui fait ressortir une dissonance entre un ressenti positif et beaucoup de difficultés.

Plus des deux tiers (67%) des personnes interrogées, davantage les hommes, se disent satisfaites de leur sommeil. En même temps, près de la moitié peinent à s’endormir ou à se rendormir et 4 personnes sur 10 déclarent souffrir d’un trouble du sommeil. Près d’un quart somnole pendant la journée. Près de la moitié des Français (48 %) déclare ressentir du stress avec un retentissement sur leur sommeil, notamment chez ceux qui dorment le moins pendant la semaine (6h ou moins par nuit).

Les plus touchées sont les femmes chez lesquelles le stress ressenti est accru pour des raisons notamment physiologiques et sociales : charge mentale de la famille et de son bien-être, essor des familles monoparentales, etc.

L’enquête INSV/MGEN 2019 met en évidence que les modes de vie perturbent le sommeil, via le mauvais réglage de notre horloge biologique.

La journée, la durée d’activité physique apparaît très insuffisante, moins d’1 heure par semaine pour 34% des Français qui la pratique ! Un sommeil de qualité nécessite une exposition quotidienne à la lumière du jour pendant plus d’une heure, et une activité physique régulière à raison de 30 minutes au minimum par jour.

Le soir, 90% des Français passent du temps sur Internet ou sur les réseaux sociaux à leur domicile. L’importante durée d’exposition à la lumière des écrans occasionne un retard de phase. Les connexions, réseaux sociaux, sms ou autres mails, y compris jusque dans le lit avant de dormir, génèrent une excitation cognitive tout à fait préjudiciable au sommeil.

Les messages souvent anxiogènes et l’essor des séries télévisées aggravent la situation.

Respecter un « couvre-feu digital », 1h au moins avant de se coucher, s’impose pour mieux dormir.

Conscients de leur manque de sommeil pendant la semaine, les Français tentent de « récupérer » au cours du week-end en se levant plus tard, avec un différentiel de temps de sommeil entre la semaine et le week-end qui va jusqu’à 2h30 chez les plus jeunes (1h30 pour les 35-54 ans ; 11 min pour les 65-75 ans). Ce retard des horaires, ou « jet lag social » est un des facteurs principaux de l’épidémie de dette de sommeil soulignée par le Baromètre 2017 de Santé Publique France publié le 12 mars dernier. Se coucher et se lever à heures régulières est le gage d’un sommeil efficace, rappellent les spécialistes.

Avec l’accélération de nos vies et le développement des médias électroniques, nous ignorons nos rythmes biologiques pour satisfaire aux contraintes sociales.

Et quoi de mieux que de prendre quelques minutes pour se relaxer ? C’est ainsi que Madame ORAIN PELISSOLO, psychologue, à proposer à l’auditoire une séance de relaxation / méditation « s’extraire de son environnement pour s’endormir  » .

A l’issue de ces interventions, les experts ont pu répondre aux questions du public dans le cadre d’un échange enrichissant avec la salle.

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